Indexation ou révision ? (REDUX) avec Century 21 Sud Conseils Partners Perpignan
Nous ne reviendrons pas sur l’importance du soin à accorder à la rédaction du bail commercial ou professionnel ; même si bailleur et preneur ne sont pas contraints d’indiquer les modalités à appliquer pour mettre à jour le loyer (à la hausse ou à la baisse), il reste préférable d’indiquer en toutes lettres dans le bail commercial ou professionnel quel indice et quelle périodicité seront retenus. Néanmoins, en l’absence de clause de révision de loyer dans le bail commercial (c’est plutôt rare mais pas impossible), c’est la révision légale triennale du loyer, généralement initiée par le bailleur, qui s’appliquera.
Toutefois, et - répétons-le - c’est préférable, les modalités de cette révision sont, dans l’écrasante majorité des cas, précisées dans le contrat de bail.
1re partie : LA CLAUSE DE RÉVISION LÉGALE OU TRIENNALE DU LOYER
1) Dans quelles conditions la révision légale triennale du loyer s’applique-t-elle ?
Elle s’applique lorsqu’aucun autre mode de révision est prévu dans le bail commercial. C’est pour cela qu’elle est aussi appelée « révision légale ».
2) Quelles en sont les modalités d’application ?
La révision triennale du loyer n’est pas automatique (Code de Commerce art. L145-37) : elle doit être initiée par le bailleur ou le locataire selon un formalisme défini par le législateur (Code de Commerce art. L145-37 – L145-38). En pratique, devinez de qui elle émane le plus souvent ? Un indice : elle débouche fréquemment sur une augmentation du loyer…
La révison triennale constitue donc le régime légal ; en tant que tel, il s’applique par défaut à l’ensemble des baux commerciaux, sauf indication particulière, qui fera l’objet de la seconde partie de cet exposé.
Tout comme la demande de congé et l’offre de renouvellement du bail, la révision légale de loyer peut être signifiée au locataire par LRAR ou, mieux, par acte extrajudiciaire (exploit d’huissier). Elle ne sera recevable que s’il s’est effectivement écoulé trois ans depuis la date de prise d’effet du bail, même s'il a été signé auparavant, ou de son renouvellement.
Un bailleur négligent peut formuler une demande de révision du loyer une fois la période triennale expirée, et ce, sans limite dans le temps. Mais attention : une telle révision de loyer ne saurait être rétroactive. Elle s’appliquera en effet à partir de la date d’envoi de la LRAR ou du passage de l’huissier, laquelle date fera désormais référence pour le décompte des trois ans (et un jour) à courir jusqu’à la prochaine demande de révision (Code de Commerce art. L145-38).
3) Et du côté du locataire ?
Trois possibilités s’offrent au locataire :
- a) le locataire peut signifier son accord par écrit ;
- b) il peut accepter tacitement la révision du loyer en s’acquittant du nouveau loyer ;
- c) il peut la contester.
Dans ce dernier cas, en l’absence d’accord amiable entre les parties, le juge des loyers pourra être saisi dans un délai de deux ans. Ce dernier pourra estimer opportun de désigner un expert pour évaluer la valeur locative du bien et, partant, fixer le montant du loyer révisé.
4) Le principe du plafonnement du loyer révisé protège le locataire
En effet, un bail, qu’il soit commercial, professionnel (ou d’habitation), n’est autre chose qu’un contrat entre parties responsables et saines d’esprit (ou leurs représentants). À ce titre, le législateur laisse les contractants libres de définir et de fixer comme bon leur semble le montant du loyer initial. En général, ce loyer initial correspond à la valeur locative du bien objet du bail.
En principe, les révisions de loyer (légales ou contractuelles, comme nous le verrons par la suite) ont pour vocation de maintenir cette équivalence loyer = valeur locative. C’était sans compter le législateur qui a instauré un principe de plafonnement, destiné à protéger le locataire contre des variations à la hausse trop importantes. En effet, le loyer révisé – censé correspondre à la valeur locative du local – ne saurait excéder le montant obtenu en application de l’indice de référence retenu depuis la dernière fixation de loyer. Ce qui nous amène au bref excursus suivant, qui va nous montrer comment calculer ce plafond et, de fait, clarifier les choses :
5) Un mot sur les indices employés
L’indice utilisé pour le calcul de la variation de loyer doit être clairement mentionné sur le bail. Deux indices sont couramment convoqués :
- a) l’Indice des Loyers Commerciaux, ou ILC, qui s’applique aux baux concernant des activités commerciales ou artisanales ;
- b) l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires, ou ILAT, pour les activités de service.
Dans le passé, on usait fréquemment de l’Indice du Coût de la Construction (ICC), mais la loi du 18 juin 2014, dite « Loi Pinel » a définitivement supprimé son usage pour tous les baux conclus ou renouvelés à partir de septembre 2014 et ayant choisi l’application de la révision légale.
Les indices sont publiés par l’INSEE et calculés chaque trimestre.
6) Application numérique
Le principe est le suivant : pour calculer le loyer révisé, il faut prendre en compte l'indice de référence en vigueur à la même période à la date de la précédente révision.
La formule de calcul pour obtenir le nouveau loyer est la suivante :
Loyer en cours x (dernier indice publié au moment de la révision : indice de référence lors de la dernière révision ou lors de l’établissement du loyer).
Soit une première révision triennale d’un loyer initialement fixé en 2021 à 1.500 € mensuels HT/HC avec, comme indice de référence, l’ILC du 1er trimestre 2021 :
1.500 € x 134,58 = 1.729,37 € ≈ 1.730 € . 116,73
Attention toutefois : cette valeur (1.730 €) représente le plafond résultant de la variation de l’indice (ici ILC), soit la limite que ne saurait excéder le loyer révisé, une fois la valeur locative du local déterminée, puisque le loyer doit toujours être égal à la valeur locative. Voilà pour la théorie. En pratique, il est courant d’user de ce calcul pour fixer le montant du loyer révisé ; mais il s’agit, en réalité, d’une mésinterprétation de la législation. Le loyer révisé doit être égal à la valeur locative, sous réserve que cette dernière se situe entre le loyer en cours et le plafond calculé comme précédemment.
7) Le plafonnement du plafonnement
Le législateur a prévu un mécanisme de plafonnement supplémentaire sans lequel les choses auraient été trop simples. En effet, si des circonstances entrainent une variation, à la hausse ou à la baisse, de la valeur locative des murs commerciaux ou professionnels de plus 10 % , la variation de loyer qui en découle ne peut excéder 10 % du loyer effectivement acquitté l’année précédente.
8) Justement, quels sont les facteurs et circonstances pouvant entraîner une variation de plus de 10 % de la valeur locative ?…
… autrement dit : « quels sont les facteurs pouvant donner lieu à un déplafonnement du loyer ? »
Ces facteurs et circonstances sont de deux ordres :
a) Facteurs conjoncturels
- L’ajout d’une ou plusieurs activités au bail par le locataire et le propriétaire. Pour une vision exhaustive du sujet, vous pouvez vous reporter à notre actualité la déspécialisation
- Une modification substantielle des facteurs locaux de commercialité telle que l’implantation à proximité d’une importante enseigne nationale, la piétonisation du secteur où le local est implanté, le changement du plan de circulation urbaine, la création ou la suppression de places de stationnement etc. ; ces circonstances peuvent effectivement entrainer une variation à la hausse ou à la baisse de plus de 10 % de la valeur locative
b) Facteur structurel
- Il s’agit du cas très particulier de baux commerciaux se rapportant à des locaux monovalents (hôtels, cinémas…), sujet qui fera l’objet d’une actualité dédiée.
9) Le plafonnement du déplafonnement
Ce n’est pas un effet rhétorique ! La loi Pinel du 18 juin 2014 édicte effectivement cette règle dite « du plafonnement du déplafonnement », exception faite des terrains, des locaux à usage exclusif de bureaux et des locaux monovalents évoqués ci-dessus. Que dit cette règle ? Si les facteurs vus au § précédent aboutissent à une variation de la valeur locative de plus de 10 %, le nouveau loyer ne pourra atteindre cette valeur qu’en respectant des paliers annuels et successifs n’excédant pas 10 % du loyer payé au cours de l’année précédente. Autrement dit, l’augmentation du nouveau loyer résultant d’une augmentation de la valeur locative de plus de 10 % sera étalée sur la durée du bail et s’effectuera par paliers de 10 %.
10) Application numérique:
Soit un loyer de 20.000 € annuels HC/HT. Le calcul de la nouvelle valeur locative du local conduit à fixer le nouveau loyer à 30.000 € annuels HC/HT. L’augmentation du loyer se fera donc comme suit :
Année n+1 : (20.000 € + 10 %) → nouveau loyer = 22.000 € annuels HC/HT
Année n+2 : (22.000 € + 10 %) → nouveau loyer = 24.200 € annuels HC/HT
Année n+3 : (24.200 € + 10 %) → nouveau loyer = 26.620 € annuels HC/HT
Année n+4 : (26.620 € + 10 %) → nouveau loyer = 29.282 € annuels HC/HT etc.
11) Et s’il y a conflit pour la fixation de la valeur locative ?
Si locataire et bailleur ne s’entendent pas sur la valeur locative à attribuer au local, seul le juge des loyers sera compétent pour trancher (Code de Commerce art. L145-33). Au besoin, un expert pourra être nommé ; il prendra en compte :
- la destination du local ;
- les prix pratiqués dans le secteur ;
- les contraintes respectives des parties édictées dans le bail commercial ;
- la superficie, les installations et équipements ;
- les fameux facteurs de commercialité…
Voir, à ce propos, les articles R145-3 à R145-8 du Code de Commerce.
2de partie : L’INDEXATION CONVENTIONNELLE DU LOYER OU CLAUSE D’ÉCHELLE MOBILE
Contrairement à la clause de révision légale que nous venons de voir, la clause d’indexation doit figurer noir sur blanc dans le bail commercial. Cette clause d’échelle mobile (autre nom de la clause d’indexation), contrairement à la clause de révision légale, se caractérise par son automacité : une fois ses modalités définies et rédigées, les parties n’ont pas à respecter un formalisme (LRAR, acte extrajudiciaire) à chaque fois qu’elle s’applique.
12) Dans quelles conditions la clause d’indexation du loyer s’applique-t-elle ?
Elle s’applique lorsque les parties sont convenues que le loyer serait automatiquement révisé selon une périodicité déterminée (généralement annuelle) et selon un certain indice de référence. Insistons à nouveau sur ce point : contrairement à la révision légale, l’application de cette clause d’indexation exige qu’elle figure en toutes lettres sur le bail commercial.
13) Quelles en sont les modalités d’application ?
Son application est automatique, c’est-à-dire que le nouveau loyer sera automatiquement dû par le preneur, sans que le bailleur lui ai précédemment signifié son montant par LRAR ou exploit d’huissier.
Sa périodicité est librement définie entre les parties. Le plus souvent elle sera annuelle, mais rien n’interdit au bailleur et au locataire d’arrêter une autre périodicité, biennale ou triennale par exemple.
De plus, et contrairement à la révision légale, la clause d’échelle mobile a un effet rétroactif. En d’autres termes, le bailleur peut réclamer au locataire un non-perçu de loyer, ou le locataire au bailleur un trop-perçu de loyer, sur les cinq (5) années précédentes.
14) Quels indices utiliser ?
Tout comme pour la révision légale triennale, les parties pourront non seulement s’entendre sur l’utilisation de :
- a) l’Indice des Loyers Commerciaux, ou ILC, qui s’applique aux baux concernant des activités commerciales ou artisanales ;
- b) l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires, ou ILAT, pour les activités de service ;
- c) mais aussi opter pour l’Indice du Coût de la Construction, ou ICC, et ce, contrairement à ce que nous avons vu pour la révision légale triennale. En effet, le code monétaire et financier n’ayant pas été modifié par la loi du 18 juin 2014 – dite « loi Pinel » – cet indice peut être utilisé dans tous les cas, y compris celui des professions libérales.
Le choix de l’indice, dans le cas d’une clause de révision ou d’échelle mobile, reste donc libre à partir du moment où il ne contrevient pas aux dispositions de l’article L112-1 du Code monétaire et financier.
15) Cas particulier du choix d’un indice de base constant
Il s’agit d’un indice référé au loyer d’origine qui interviendra dans le calcul de chaque nouveau loyer, exactement comme l’exemple vu au § 6, à ceci près que l’indice de base figurant au dénominateur restera le même à chaque révision :
Soit un bail prenant effet le 1er septembre 2021 avec indexation annuelle à cette date avec, pour indice de base constant, celui du 2e trimestre 2021.
Le loyer au 1er septembre 2022 se calculera comme suit :
Loyer septembre 2022 = loyer au 1er septembre 2021 x indice 2e trimestre 2022 . indice 2e trimestre 2021
… et ainsi de suite :
Loyer septembre 2025 = loyer au 1er septembre 2024 x indice 2e trimestre 2025 . indice 2e trimestre 2021
16) Des règles de plafonnement s’appliquent-elles au loyer indexé ?
Absolument, et c’est encore une fois la loi Pinel du 18 juin 2014 qui édicte que la variation de loyer qui résulte de son indexation par clause d’échelle mobile ne saurait excéder 10 % du loyer précédemment acquitté. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? C'est normal : vous avez déjà rencontré cette règle au § 7 😊 !
17) Le loyer indexé peut-il toutefois être déplafonné ?
Dans les faits, la clause d’échelle mobile peut être dénoncée si, par l’application de l’indice retenu, le nouveau loyer se trouve augmenté de plus de 25 % par rapport au dernier loyer fixé contractuellement ou judiciairement. Dans ce cas, en respectant le formalisme de la LRAR ou de l’acte d’huissier, la demande pourra être faite de rapporter le nouveau loyer à la valeur locative des locaux et, encore une fois, le juge des loyers commerciaux sera seul compétent pour fixer le montant du loyer révisé, éventuellement à dire d’expert. Cette exception au principe d’automaticité de révision du loyer constitue proprement un déplafonnement au loyer indexé.
18) Le déplafonnement peut-il être plafonné ?
Effectivement, et comme au § 9, si le déplafonnement (c’est-à-dire l’alignement sur la valeur locative) conduit à une augmentation supérieure à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente, la mise à niveau devra se faire par paliers annuels successifs de 10 % maximum. Là encore, cette impression de déjà-lu est tout à fait normale, rassurez-vous 😊 !
Une autre solution consiste en ce que les parties, d’un commun accord, décident expressément de renoncer à la clause d’échelle mobile pour basculer sur une clause de révision légale triennale (Code de Commerce art. L145-38).
19) Et en cas de désaccord ?
Dans le cas où le montant du loyer révisé est contesté par l’une ou l’autre des parties, les articles R145-23 à R145-33 du Code de Commerce édictent le formalisme que devra respecter toute action judiciaire auprès du juge des loyers en vue de sa fixation. La partie à l’initiative de cette procédure devra l’intenter dans un délai de deux ans au maximum (art. L145-60 du Code de Commerce) et du strict respect de son formalisme dépendra sa recevabilité. C’est pour cela que nous ne saurions trop vous conseiller de vous adjoindre les services d’un bon cabinet d’avocats d’affaires ou d'une étude notariale compétente afin de vous éviter une inutile perte de temps.
20) Conclusion
Cet article ne saurait encore prétendre épuiser ce vaste sujet ; par exemple il conviendrait d’évoquer la décision de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 14 janvier 2016, a considéré que « le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse » le loyer, approuvant ainsi un arrêt de la Cour d’appel déclarant non écrites les clauses d’indexation ne prévoyant que les variations de loyer à la hausse telles que : « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision » (Cass. 3e civ., 14 janvier 2016, n° 14-24.681 / Cass.3e civ., 12 janvier 2022, n° 21-11.169).
On ne le répètera jamais assez : toutes les clauses d’un bail commercial se doivent d’être rédigées avec la plus extrême des minuties. C’est de la qualité de rédaction de ce document que dépendra bien souvent la qualité des futures relations bailleur – preneur et des développements amiables ou judiciaires qu’il conviendra de donner aux litiges qui pourraient survenir entre ces deux parties aux intérêts bien souvent divergents.
Notre conseil reste et restera toujours le même : méfiez-vous des documents hâtivement copiés-collés depuis le web, surtout pour un bail commercial. Rien ne vaut les conseils de professionnels et ceux de votre agence Century 21 Entreprise et commerce préférée en premier lieu ; quant à la rédaction de ce contrat de mariage qu’est le bail commercial, n’hésitez pas à faire appel à un cabinet de juristes ou à un notaire compétents. Votre conseiller Century 21 saura, là aussi, vous accompagner.
Century 21 Entreprise et Commerce Sud Conseils Partners reste à votre disposition pour tout renseignement au 04.68.28.00.44 ou sur scp.perpignan@century21.fr
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